La peur n'était pas un sentiment qui devait prendre le dessus sur nous, et il était vrai qu'à force de passer son temps au bloc, une certaine lassitude se faisait ressentir. Dernièrement, la jeune femme qui d'ordinaire se plaisait à rester à l'abris au bloc avait récemment pris goût à ces petites escapades dans le labyrinthe. Il s'agissait surtout de curiosité plus qu'autre chose. Malgré une petite mésaventure il y a quelques jours, la voilà de nouveau repartie à la chasse aux nouveautés tout en tâchant de refouler l'idée qu'elle allait une nouvelle fois y rester. Techniquement, ça ne devrait pas arriver puisqu'elle restait en terrain inconnu, une zone qui était uniquement accessible au bloc b ou du moins avant la nouvelle configuration du géant. Dans cette zone connue, les pas de la jeune femme étaient rapides et volontairement bien placés afin de s'assurer protection et stabilité. Si elle n'avait jamais vraiment connu de réelles difficultés dans cette zone hormis la sensation se congeler sur place, elle avait déjà eu vent d'histoires au cours de lesquelles certaines blocardes s'étaient retrouvées à l'eau, chose qu'Ivy ne souhaitait pour rien au monde. La température était déjà particulièrement basse, et si en plus elle venait à tomber dans l'eau gelée elle y resterait probablement ou dans le meilleur des cas, finirait malade.

Les environs étaient étrangement silencieux et c'était assez amusant à constater. Le soir lorsqu'elles étaient toutes au bloc, des bruits non identifiables résonnaient dans le labyrinthe et en pleine journée, c'était comme si plus rien n'existait. Un craquement se fit soudainement entendre et la jeune femme se retourna aussitôt, son regard cherchant d'où il avait bien pu provenir. On aurait dit un craquement de branche ou un son s'y apparentant. Elle n'était donc plus seule. Si une blocarde avait été ici, elle n'aurait probablement pas cherché à se cacher. « Il y a quelqu'un? Montrez vous... » Sans réellement pouvoir exercer le moindre contrôle sur son corps, son coeur s'emballa et elle se remit à avancer, tout en jetant régulièrement de rapides coups d'oeil derrière afin de vérifier qu'elle n'était pas suivie même si au fond d'elle, Ivy était convaincue que quelque chose ou quelqu'un se trouvait également non loin. Il suffit d'une seconde d'inattention pour que la brune dérape sur la glace et malgré une tentative désespérée pour se rattraper à une branche plus loin, elle tomba en arrière, brisant ainsi la fine couche de glace dans sa chute. Le contact avec l'eau glaciale fut violent et sous le choc, la medjack se débattit seule pour tenter de remonter à la surface. L'eau ne semblait pas particulièrement profonde mais étant de petite taille, elle n'avait pas pieds. Elle se rapprocha du bord pour tenter de sortir, hésitant un instant avant de sortir, par peur que les bords fragilisés cèdent une nouvelle fois sous son poids. Lorsqu'elle releva la tête, elle vit une silhouette plus loin et sans réfléchir, s'adressa à lui sans même prendre la peine d'élever la voix pour qu'il puisse l'entendre. « S'il te plaît... » Au pire, ce n'était pas grave, s'il n'était pas aveugle, il verrait qu'elle avait besoin d'un tout petit coup de main.

Je jetais au loin un morceau de bois avant de me mettre en route. Aujourd’hui je n’avais pas envie de partir dans le Labyrinthe avec mon groupe de course. Je voulais être un peu seul. Je marchais donc, regardant aux alentours. Mes pas me guidèrent vers une zone que je n’avais pas encore visitée. Il faisait incroyablement froid et je regrettais de n’avoir qu’un T-shirt. Frottant mes bras, je me demandais si je n’allais pas plutôt repartir sur mes pas. Mais en relevant les yeux, je vis quelque chose d’intéressant. Malgré la tempête de neige, en plissant les yeux, j’arrivais à voir une forme humaine devant moi. A en juger approximativement par la forme, il s’agissait d’une femme. Mes lèvres s’étirent en un sourire et je m’approche doucement vers elle. Doucement parce que je ne veux pas qu’elle me remarque. Et doucement parce que je sens la glace craquer sous mes pas. Cette zone, en plus d’être un véritable glaçon, est très dangereuse.

La femme qui se retrouve en face de moi est aussi attentive qu’un animal qu’on chasse et dès que je m’approche un peu plus, elle s’arrête. J’ai juste le temps de me cacher, qu’elle se retourne déjà et demande qui est là. Comme si j’allais répondre. Ça m’amuse trop de lui faire un peu peur. Je mets d’ailleurs ma main sur ma bouche pour ne pas rire. Une fois que je suis sûr qu’elle reprend sa route, je sors de ma cachette et le suis tranquillement. Il fait tellement froid que je sens à peine mes lèvres et je dois mettre les mains dans les poches pour au moins tenter de réchauffer cette partie de mon corps. Je dois vraiment être taré pour suivre une inconnue, alors que je vais mourir congelé. Mais soudain, elle fait un faux mouvement et tombe en arrière. J’ouvre d’abord grands les yeux avant de rire. Rire que j’interromps dès que je vois la glace se fissurer et la voit disparaitre. Je me précipite vers elle. Bon sang, pourquoi cela devait tomber sur moi ? Lorsque j’arrive, elle a la moitié de son corps hors de l’eau et me supplie de l’aider. Je pousse un soupir et lui saisis la main pour l’extirper complètement. Une fois qu’elle est hors de danger, je m’accroupi à côté d’elle et appui mon doigt sur sa joue. « T’es vraiment pas douée, toi. » La pauvre, elle doit être frigorifiée, mais cette situation ne manque pas d’être comique. Alors je lui souris, à moitié moqueur.

Probablement l'une des plus belles zones du labyrinthe mais aussi la plus traître. Et elle venait de se faire avoir comme une débutante. Ivy se maudissait intérieurement de s'être montré si peu vigilante malgré les nombreuses tentatives pour tenter de détecter le danger. Disons alors que pour sa défense, les bruits suspects localisés non loin d'elle avaient eu raison de son calme et sa capacité à réfléchir correctement. En situation de danger, nous avons tendance à agir rapidement pour tenter de sauver sa propre vie plutôt que de passer le peu de temps à cogiter et prendre des risques inutiles. Et bien ici c'était exactement la même chose. Sa précédente expérience dans le labyrinthe avait failli marquer sa fin définitive et grâce à l'intervention d'un résidant du bloc a, elle avait réussi à s'en sortir. Sa bonne étoile ne serait pas toujours là et elle en avait conscience, d'où le fait qu'elle se montre aussi attentive à ce qui l'entourait. Manque de chance, elle avait cédé à la panique l'espace d'un instant et s'était retrouvée à l'eau en un éclair, la glace aillant cédé sous le choc provoqué par sa chute au sol. L'inconnu ne s'était pas trop fait désiré et s'était rapproché rapidement pour lui venir en aide mais son rire moqueur résonnait encore dans ses oreilles. Oui, dans une autre situation, Ivy aurait presque pu rire de sa maladresse avec lui mais pas ici. Elle accepta sans broncher son aide puisqu'elle la lui avait demandée et une fois à la surface, la jeune femme se recroquevilla sur elle même avant de croiser ses bras et frotter rapidement ses mains contre ses bras dans le but de les réchauffer. Elle était parfaitement consciente que ces gestes n'allaient pas changer grand chose puisque l'intégralité de son corps était trempé et donc frigorifié. C'était à peine si elle claquait des dents, chose qu'elle se retenait de faire mais sa voix s'était faite tremblante, suivant la tendance de son corps qui s'était mis à réagir sans pouvoir exercer le moindre contrôle sur ce dernier. La brune fronça légèrement les sourcils en sentant le doigt de l'inconnu contre sa joue, penchant légèrement la tête du côté inverse pour tenter d'y échapper, tout en manifestant son mécontentement par un petit son qu'il semblait impossible de décrire. « A qui la faute hein? » La sienne évidemment. Si Monsieur ne s'était pas mis en tête de jouer à cache cache, peut-être qu'elle n'en serait pas là actuellement. Il avait bien de la chance qu'elle ne soit pas réellement en état de parlé car il en aurait probablement pris pour son grade, au risque de ne pas être prise au sérieux. La situation pourrait être amusante d'ailleurs, surtout en regardant la carrure respective de celui qui lui était venu en aide et la sienne. D'un geste lent, elle posa sa main sur l'épaule du blocard avant de s'appuyer doucement sur cette dernière. Le froid la paralysait, un peu comme si ses forces la quittaient peu à peu et cette sensation était particulièrement désagréable. « Aide moi juste à me relever s'il te plaît. » Et même s'il n'était pas d'accord, c'était déjà à moitié fait. Ivy tenta tant bien que mal à se redresser, s'appuyant un peu plus sur l'épaule de l'homme et s'arrêta net lorsqu'elle entendit un nouveau craquement sous leurs pieds. « Attends... » Elle releva alors doucement sa tête pour croiser le regard de l'homme, tout en se mordillant nerveusement la lèvre inférieure. Non, elle ne pouvait pas retourner une nouveau là dedans, impossible. « Ne bouge surtout plus. » A se demander si ce n'était pas le désespoir qui la poussait à sortir quelque chose d'aussi ridicule. Ils ne pouvaient pas rester éternellement figés, d'autant plus qu'elle allait avoir besoin de se mettre au sec rapidement. Il allait devoir trouver une solution et vite, après tout il était l'unique fautif non?

Elle n’apprécie visiblement pas mon humour. Mais je ne me démonte par pour si peu. Ça me fait d’ailleurs rire de la voir s’agacer de mon comportement. Allongée devant moi, je la vois frissonner. C’est sûr que la douche froide qu’elle a dû se prendre ne devait pas être des plus agréables. Je la laisse s’appuyer contre moi pour qu’elle se redresse, profitant de la vue qu’elle m’offre. Toutes ces femmes sont elles aussi envoutantes ? Elle frissonne encore, mais je n’ai rien de plus à lui donner que mon T-shirt. Je ne suis d’ailleurs pas certains qu’elle apprécie si j’enroule mes bras autour d’elle. Même si mon geste ne concerne uniquement qu’une noble cause. Je ne suis d’ailleurs également pas à l’aise dans cette zone glaciale. J’en reviens presque à regretter notre zone caniculaire. Je me promets de ne pas y revenir ou alors d’y revenir bien plus couverts. Je constate que les filles ont également des zones aussi loufoques que les nôtres. Je me demande d’ailleurs comment cela est possible. Comment peut-on passer d’un lieu couvert par la neige et la glace, à une chaleur étouffante ou une forêt dense ?

Je me redresse également, commençant à sentir des sensations d’engourdissements au niveau des jambes. Mais à mi-chemin, l’inconnue m’arrête. A moitié debout, je m’exécute pourtant. Je fronce les sourcils lorsqu’elle plonge son regard dans le mien. Elle semble inquiète et m’intime l’ordre de ne pas bouger. Je ne comprends pas pourquoi. Nous n’allions pas rester comme ça indéfiniment. Voyant qu’elle ne s’explique pas plus, je me redresse un peu plus. Cette sensation d’engourdissements m’empêche de me concentrer. C’est en entendant un craquement sous nos pieds que je comprends où elle voulait en venir. Je vois une fissure naitre sous mes pieds et s’étirer jusqu’au sien. J’ai le réflexe stupide de la pousser en arrière alors que la glace se brise et me fait tomber, à mon tour, dans l’eau glacé. Le froid me saisit immédiatement. Je sens mon cœur se serrer et j’ai l’impression soudaine d’étouffer, de ne pas réussir à respirer. Les yeux ouverts sous l’eau, je ne vois rien. Il fait trop sombre pour distinguer quoique ce soit et je n’ai clairement pas envie de partir en exploration. Je hisse la tête hors de l’eau et respire un grand coup. Je me sens de plus en plus étouffé par le froid et m’accroche aux rebords de la glace, prenant garde à prendre appui sur la zone la plus solide. Je me hisse faiblement et m’extirpe de l’eau avant de m’écrouler sur le sol. Mes lèvres frictionnent et je me mets en boule tant j’ai froid. Pourquoi l’ais-je secouru ?