Disons le franchement : tu t’emmerdais comme tu l’avais rarement cru possible. Il fallait dire, tes amis – comme ils osaient se faire appeler – ne t’avaient guère laissé le choix et t’avaient enfermé dans la cuisine dans l’espoir vain que tu te mettes un peu au travail. C’était donc comme un enfant que tu avais tambouriné à la porte en promettant mille et une choses irréalisables pour le commun des mortels avant de te mettre à bouder sous la table, les joues gonflées. Ce petit manège avait bien duré trois heures … Puis, t’ennuyant, tu avais décidé de t’occuper des légumes. Et cela faisait bien maintenant dix minutes que tu t’occupais de ces foutus pomme de terres : les nettoyer, les essorer, les éplucher, les remettre dans l’eau, les couper, les mettre dans un saladier. Tous ces mouvements mécaniques te donnaient bien envie de faire une petite sieste. Bien évidemment, tu continuas à travailler, assidument, zieutant de temps à autre le pot piment en poudre qui sera accidentellement renversé dans les assiettes de tes amigos. La vengeance était un plat qui se mangeait épicé. Très de préférence.

Mais même avec cette magnifique vengeance de prévu, tu ne pouvais pas t’empêcher de piquer du nez. Alors tu faisais du bit box en te déhanchant, reproduisant le son ô combien connu de la samba de Rio de Janeiro. Mais même ça, ce n’eut pas l’effet désiré. Tu posas rageusement ton couteau sur le plan de travail et lança la patate dans son récipient – et ce fut un panier – en grognant. « RAAAAH ! J’en ai ma claque bon sang de banzai ! » Tu pestas en croisant les bras avant de jeter un regard à un camarade d’infortune.

L’amigo Lucius.

Tu ramassas des épluchures de patates et les regarda longuement avant de fixer le dos du garçon. Tu fis soudainement un grand sourire : c’était l’heure de la grande évasion. Tu lui lanças alors discrètement l’épluchure. « Pssss ! Hey … Pssssss ! » Bon il y avait certainement plus discret. Tu fis des grands gestes pour attirer son attention avant de montrer la porte du réfectoire.

Il était l’heure de passer en mission commando.

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Parfois, tu te demandes si Lucius avait été conçu dans le même moule que toi … Bien évidement que c’était à toi que tu parlais, il n’y avait pas trente-six mille individus pouvant répondre à ta ô combien discrète appellation. Et puis, pourquoi te regardait-il comme si tu étais un singe savant en train de réaliser quelque chose te totalement absurde ? Tu étais tout ce qu’il y avait de plus normal. Tu roulas des yeux avant de murmurer si fort que James Bond aurait eu particulièrement honte de toi. « Bien sûr que c’est à toi que je parle ? Tu vois quelqu’un d’autre ici ? Bougre d’âne ! ». Puis tu te mis à fléchir les yeux, regardant à droite et à gauche alors que soudainement, la musique de mission impossible tournait dans ta tête. Doucement, tu flanchas les genoux en écartant les bras, mains vers le sol comme pour te maintenir un équilibre avant d’avancer d’un pas rapide. Tu regardas à droite et à gauche rapidement, les yeux plissés … Rien à signalé.

Tu plongeas en avant en faisant une galipette avant d’atterrir sur tes genoux, main en pistolet. Tu les remis en position d’équilibre et fit de grandes enjambés, tout en surveillant ton environnement pour avancer. Tu plongeas derrière le meuble à casserole avant de le longer à quatre pattes. Puis tu fis signe de la main à Lucius de te rejoindre … Mais la créature semblait ne pas saisir le message. Alors tu bondis pour terminer sur tes deux jambes avant de lui attraper la tête et de la baisser soudainement pour l’accroupir. Tu regardas autour de toi comme une sentinelle avant de flancher les genoux pour le rejoindre. Tu terminas à sa hauteur. « Mec. Toi et moi, on va s’évader. Il est hors de question que je reste ici, et il est hors de question que je laisse une victime de cet ignoble complot derrière moi. »

Tu entendais déjà d’ici les râlements de tes camarades, mais qu’importe. « Toi et moi, on va s’évader. On va passer à travers le bar pour finir dans le réfectoire … et après, on devra aller en niveau de la porte le plus discrètement possible. Prêt à te casser un ongle princesse ? » Tu lui fis ton plus beau sourire colgate avant de prendre une casserole et de se la mettre sur la tête.


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« Mon délire, va nous permettre de sortir sans le rire des autres blocards et non sous leurs hurlements pour qu’on retourne bosser. Toi comprendre l’idée ou moi devoir expliquer avec des mots simples ? » Casserole sur la tête, à genoux sur le sol, tu devais certainement ressembler à un fou sorti tout droit d’un asile psychiatrique. Smile et Falcon auraient certainement ri de ta connerie, mais visiblement, Lucius était une précieuse qui ne comprenait rien à tes moyens de distraction. Tu reniflas du nez. Ta technique avait permis d’éloigner le souvenir invasif d’une petite sœur qui n’avait pas eu la chance de naitre. Tes conneries avaient réussi à te faire rester Ricky, à garder la tête froide. Et s’il ne pouvait pas voir ton génie créateur, et bien c’était qu’il était perdu à jamais dans les méandres de l’ennuie. Tu commençais à te faire connaitre : tout le monde avait l’habitude de tes singeries et tes petits coups de folie te permettaient généralement de t’en sortir avec un « sacré Ricky » que tu appréciais tout particulièrement.

Tu te retournas et ouvrit le placard à la recherche d’une énième casserole pendant que la diva faisait tout un cirque. Dos à lui tu en profitas pour le mimer, grossissant volontairement les traits : gnagnagna ongle gnagnagna je suis une chochotte. Bon sang, ce type aurait pas survécu une seconde avec les sarcleurs. Et ne parlons pas de la bouse : il se serait certainement évanoui. « Tu sais, si tu te plains de risquer de détruire ta manucure tout en proclamant que tu n’es pas une princesse, on va avoir du mal à te croire, Princesse. A moins que tu ne préfères Peach ? Ou Zelda ? Dis moi, dis moi, je prendrai … » Tu te retournas en lui faisant un grand sourire, te moquant ouvertement de lui avant de lui mettre une casserole sur la tête. « Voilà, tu es toute prête, Peach. Allons y »

Tu le forças à te mettre à quatre pattes et avanças en premier pour pousser la petite porte pour entrer dans le réfectoire. Tu en profitas pour glisser derrière une poutre et tu regardas les horizons. Bien. La salle était encore assez vide de gens pour se mouvoir correctement. Tu regardas Lucius et lui indiqua deux doigts joints, mima un personnage rampant pour finalement désigner une table non loin de lui. « Compris ? »

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« Peach est blonde c’est vrai. Mais toi tu as le cerveau d’une blonde, donc je pense que c’est kiff kiff ! » Qu’on te prenne pour un abruti, tu avais l’habitude, c’était ta principale barrière défensive. Plus les gens te pensaient stupides, plus il t’était facile de faire ce qu’il te plaisait … Aprè s tout, c’était ainsi qu’il avait limité au maximum toutes les tentatives de séjours au gniouf ! Tu regardas la salle, analysant la situation. Tu étais dans ton délire, la musique claquait en rythme dans ta tête, il ne restait plus qu’à prier que Princesse Lucius ne gâche pas tout … Le but premier étant bien évidement de faire rire les potentiels spectateurs pour qu’ils en oublient de vous empêcher de filer, or si Lucius jouait sa diva, ils auraient certainement droit à un aller simple en prison, ne passer pas par la case départ, ne touchez pas deux cents euros. Et ce que tu crains arriva, Lucius fut pris une pulsion de midinette précieuse aigu. Tu roulas longuement des yeux, contre ce fléau, il n’y avait pas vraiment de remède, le sujet était juste condamné à rester niais.

Tu ne te laissas pas démonter pour autant ! Tu voulais sortir, alors l’amigo rampera, de grès ou de force. Comme un lion surveillant sa proie, tu dandinas du derrière avant de bondir sur Lucius, l’obligeant ainsi à s’étaler de tout son long. « GERONIMO ! » Tu remercias le ciel d’avoir pensé à la casserole, cela amortissait grandement la chute. Autour de toi, tu commençais à entendre des gloussements de d’autres garçons ou des soupirs d’exaspération et déjà, le nom de Ricky était soufflé ici et là. Tu étais un géni pur.

Quel dommage que personne ne soit là pour reconnaitre son génie créateur !

Tu te relevas brusquement, comme un fou avant d’attraper Lucius sous les épaules. « OH MON DIEU ! C’est terrible ! L’amigo Lucius a fait un terrible malaise en voyant qu’il s’est cassé un ongle ! Olalalaa » Tu exagérais volontairement le trait de ta voix poussant des exclamations et trainant ici et là le corps de Lucius – qui pesait bien un âne mort ! Mon dieu, il devait perdre du poids lui - avant de s’immobiliser. « Je vais l’amener à l’infirmerie ! VITE VITE ! Il faut sauver le soldat Lucius ! Pin poooon pin ponnnn » Tu le trainas sur la longueur.

Tu avais changé de stratégie en cours de route, c’était un pari plus que risqué mais tu savais que cela en valait certainement la chandelle. Tu regardas Lucius et lui lanças un regard d’avertissement. « Joue le jeu et tu évolueras de Peach à Elizabeth Swan ! »

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Mon dieu, mais c’était que c’était une grande gueule lui … Il en avait sous le capot. C’était qu’il allait réussir à te taper sur le système à hurler encore et encore comme si tu en avais après sa virginité. Il était aussi doux et tendre qu’une enfant capricieuse. Oui, tu l’avais encore comparé à la gente féminine, mais que voulais-tu ? Il avait le comportement d’une petite peste. L’idée te frappa que si ta sœur avait été ainsi, tu aurais certainement été le grand frère tyrannique, s’amusant à terroriser la pauvre petite dans un ricanement machiavélique avant de l’enfermer dans sa chambre à chaque caprice. Une relation frère et sœur tout ce qu’il y avait de plus saine. Une illusion que tu dégageas d’un pas rageux. Ericsson n’avait pas de sœur. Il n’avait pas non plus de petite sœur décédée. Ni rien ! Tu trainas le malheureux qui s’égosillait à s’en casser la voix, sous les ricanements de quelques témoins qui ne semblaient pas vouloir venir en aide à ta pauvre victime. Tu le regardas un instant, les yeux perdus dans cette horrible comparaison que tu avais fait.

Tu lui fis soudainement un sourire éclatant, les yeux fermés, alors que tes dents se montraient toutes avec fierté. « Tu n’as pas beaucoup d’humour, toi. Je me trompe ? » Tu continuas de le trainer un peu pour autant, tu tenais à te liberté. Tu tenais à sortir d’ici pour aller t’exiler un bon coup. Et pourquoi pas te frapper la tête contre un arbre ? Tu pouvais le manipuler comme on manipulait une marionnette. De toute évidence, Lucius n’avait pas beaucoup de force, mais qu’importe, cela t’éviter de te prendre un mauvais coup.

Mais ses beuglements de vaches commençaient à t’agacer légèrement. Alors, tu t’arrêtas soudainement dans une zone particulièrement sale. Tu avais ton plus beau sourire de morveux impertinent collé au visage alors que tu penchas ton visage au-dessus de celui de Lucius. « Tu veux vraiment que je te lâche ? » Ton sourire se serait encore agrandi si cela avait été possible, mais le corps humain ne permettait pas de transformer le visage en rictus souriant.

Puis d’un coup, tu poussas un petit ouplaaa, avant de t’éloigner à cloche pied, les bras en l’air, libérant totalement Lucius qui tomba en arrière. Tu eus un petit rire avant de tourner sur toi-même à cloche pied, sous les rires des témoins. Tu te mis sur tes deux pieds avant de saluer ton public, bien décidé à prendre la porte : ils avaient été suffisamment distraits par tes singeries pour te laisser partir sans te demander ton reste. Tant pis pour la Princesse Lulu, il serait de corvée cuisine.

Tu mis tes bras derrière la tête avant d’avancer, comme un roi, victorieux et fier quand quelque chose attira ton attention sous une table. Un quelque chose qui te fit perdre bien rapidement ton sourire. Un paquet. Le même genre de petit paquet détestable qui avait dévoilé l’existence de cette sœur. Tu restas sur place, n’osant bouger avant de finalement te rendre lentement vers l’objet de malheur.

Tu le ramassas froidement, avant de lire le prénom dessus. Lucius. Au moins, cette sinistre mascarade ne t’était pas encore destinée. Tu mis une main dans tes poches avant de te diriger mollement vers Lucius. Ce fut la mine agacé, froide, non souriante, que tu lui tendis le paquet. « T’en fais ce que tu veux. Mais moi j’te conseille de le détruire avant de l’ouvrir. »

Tu n’aimais pas voir les autres ouvrir délibérément les boites de Pandore.

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